Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/109

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cet enfant et de devenir ridicule à mes propres yeux par un sentiment de méfiance puérile fit écrouler mon rêve d’expansion. Je demandai un verre d’eau de source à Félicie, comme si je n’avais quitté mon travail que pour me désaltérer. Elle se hâta de l’aller chercher, et je pris un livre que je feignis de lire en attendant. Les yeux noirs de Tonino étaient toujours sur moi. Ils me menaçaient comme deux flèches. Du moins je m’imaginais cela, car je les sentais sans les voir, et, quand je relevai la tête, il était parti ; mais il ne pouvait être loin, il s’était peut-être mieux caché pour m’observer. J’étais humilié et irrité intérieurement. Félicie m’offrit un vase et versa l’eau de l’aiguière. Je remarquai que sa main délicate avait blanchi, elle en prenait soin, elle ne lavait plus la vaisselle, ses doigts charmants n’avaient plus de gerçures ; c’était un grand sacrifice qu’elle avait fait à l’amour, elle si ardente au travail du ménage, et qui trouvait qu’aucune servante n’était assez prompte et assez soigneuse. Et cette belle main tremblait en me servant ! Ma tête se pencha, mes lèvres lui envoyèrent un baiser muet ; mais l’invisible fantôme italien errait toujours comme une ombre sur la muraille. Je me relevai brusquement en remerciant Félicie avec froideur. Deux grosses larmes coulaient lentement sur ses joues. Je feignis de ne pas les voir, je sortis, et je travaillai comme un manœuvre le reste du jour.

Quelque chose de nouveau, d’amer, de soupçonneux, d’étranger à ma nature était entré en moi. Je