Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/177

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Ma souffrance aidait à ma souffrance, et j’empirais mon mal en agissant sous l’impression de mon mal. Quand j’invitai Félicie à hâter le mariage de Tonino, ma voix tremblait sans doute, et, si mes paroles ne furent pas dites d’un ton d’autorité, peut-être mes regards trahirent-ils le désir que j’avais de ne pas rencontrer de résistance. Il me sembla que Félicie frissonnait de colère ou de crainte, et qu’elle me répondait oui avec une répugnance secrète. Je lui demandai étourdiment pourquoi elle hésitait.

— Je n’hésite pas, répondit-elle ; à quoi pensez-vous de me dire cela ?

Je ne pus répondre.

— Vous êtes préoccupé, reprit-elle.

Je mentis en donnant un autre motif, un motif quelconque à ma préoccupation.

Elle fixa le mariage de Tonino au dernier jour du mois. Nous étions au 15 avril, en plein printemps. La floraison hâtive des arbres à fruits était exubérante. Tout chantait, tout brillait dans la campagne. Vanina, enivrée par les regards et les sourires de son jeune fiancé, était comme étouffée de bonheur. Lui, sans perdre l’habitude de son petit sang-froid doucement railleur, avait dans la poitrine des respirations étranges, comme des oppressions d’impatience contenue, ou des élans de joie mystérieuse. Je ne pouvais pas m’empêcher de les trouver beaux dans la naïveté de leur mutuel désir.

Félicie était tranquille, résolue, impénétrable. Elle