Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/179

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et peu convenable pour les oreilles d’une jeune fille qu’elle devait supposer pure. Je ne sais si la Vanina le comprit ; elle rougit beaucoup et pleura. Tonino lui serra vivement la main sans répondre un mot à Félicie, et, quand elle les eut embrassés tous deux, il emmena sa fiancée en lui parlant à l’oreille, comme s’il la consolait des sévérités de la patronne et comme s’il lui disait : « Tu sais qu’elle est jalouse ; mais, sois tranquille, je te protégerai contre elle. »

Est-ce cela qu’il lui disait, ou cela se passait-il dans mon imagination ? Je regardai Félicie. Elle était pâle, et son œil courroucé suivait le jeune couple sans rien voir autre chose.

Je ne me trompais donc pas, Tonino ne s’était donc pas trompé : elle était jalouse ; si jalouse, qu’elle ne songeait plus à me le cacher ! Mais quel genre de jalousie était-ce ?

Je voulus le savoir ; ma langue, enchaînée par la délicatesse, rompit ses liens. Je fus sévère, terrible peut-être. Je blâmai ce qui venait de se passer, je questionnai durement. Félicie trembla, balbutia, faillit s’évanouir : je fus impitoyable. Elle prit tout à coup son parti, comme elle le prenait toujours quand on l’y forçait.

— Eh bien, oui, dit-elle, je suis jalouse de cette jeunesse, de cette innocence, de cette virginité qui est pour moi comme un vivant reproche. Ce n’est pas de Tonino, c’est de vous que je suis jalouse quand je regarde la Vanina. Je la trouve trop heureuse d’être