Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/188

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— Mère ! s’écria-t-il en tombant aux genoux de Félicie, tu m’aimes donc encore ?

Elle fut vaincue et l’embrassa sans réserve ni méfiance.

— Si tu pouvais redevenir sincère et bon comme jadis, je t’aimerais comme jadis, lui dit-elle.

— Aimez-moi comme jadis, reprit-il ; car me voilà guéri de mes folies et naïf comme à douze ans. C’est à elle que je le dois, ajouta-t-il en montrant Vanina. J’avais encore du dépit ce matin ; elle m’a grondé, elle m’a dit que j’étais injuste et ingrat. J’ai senti qu’elle avait raison. Je me suis repenti, et, si nous nous trouvons ici, c’est que nous étions en chemin pour aller vous demander pardon.

Dès ce moment, le calme revint dans la famille ; Tonino ne fut plus taquin, Félicie ne fut plus sombre. Vanina, douce et affectueuse, semblait être le trait d’union entre eux. Il y eut comme une convention tacite, moyennant laquelle les jeunes époux n’habiteraient pas notre domicile avant de pouvoir prendre possession du leur. Je le regrettai, je ne voyais pas sur ce chapitre comme Félicie. L’amour consacré me paraissait chose trop sérieuse et trop sainte pour que notre maison en deuil en fût profanée. Félicie ne s’expliquait pas, pour ne point se trouver en désaccord avec moi ; mais Tonino me disait tout bas :

— Laissez-moi faire ainsi. Je sais que la vue de nos amours blesserait sa religion fraternelle. C’est assez puéril ; car il n’y aura pas de raison pour admettre