Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/190

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je me sentais ardent et austère, je la sentais pudique et confiante. Notre lune de miel, à nous, ne fut pas un emportement d’écoliers à travers les buissons en fleur : c’était une solennelle moisson de joies intimes et profondes sous le chaud et silencieux rayon de l’été.

Nous avions dû nous marier sans attendre Tonino.

La veille du jour fixé pour son retour, il nous avait écrit que Vanina avait fait une petite chute, et que, dans la crainte d’un accident plus grave, elle devait rester en repos pendant quelques semaines. Il ne revint qu’à l’entrée de l’automne avec sa femme bien portante et en bon espoir de maternité. Il m’avoua alors qu’elle n’avait pas eu le moindre accident, mais qu’il avait craint de gêner Félicie par sa présence.

— Je ne peux pas toujours m’expliquer, dit-il, les bizarreries de son humeur ; mais je les sens, je les devine avant qu’elles se montrent, et, croyez-moi, j’ai bien fait de ne pas assister à son mariage. Il faut si peu de chose pour la troubler ! Tout est mieux ainsi, n’en doutez pas.

Je sentais que Tonino avait raison, mais pas plus que lui je n’aurais su dire pourquoi.

Il alla passer l’automne au Vervalt, et l’on se vit rarement. C’était le moment des grandes occupations de la campagne. On labourait les terres, on rentrait les fruits, on faisait le vin et les fromages, on se rencontrait dans la campagne avec plaisir, on se réunissait quelquefois le dimanche avec affection ;