Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/227

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se repent plus tard d’avoir dites ou pensées. Il est peu d’honnêtes gens à qui cela ne soit pas arrivé au moins une fois dans la vie. Voyons, souvenez-vous de notre entretien de la semaine dernière, ici près. Vous m’avez dit le pour et le contre. Vous étiez ému et même un peu égaré. Vous veniez de voir, ensemble ou séparément, deux personnes dont l’intimité innocente ou coupable vous a toujours été amère. Vous avez supposé le mal, et pourtant vous ne l’avez pas constaté, car vous me disiez : « Je n’aime plus le souvenir de mademoiselle Morgeron ! » et, un instant après, vous disiez : « Je ne l’aimerai plus, si je découvre le crime dont je la soupçonne ! » Aujourd’hui encore, vous avez tenu à peu près le même langage, et nous parlerions deux heures sans faire autre chose que de raisonner ou de déraisonner sur une supposition de votre esprit ou du mien.

— Ou du vôtre ! Vous mentez, monsieur Sylvestre ! Que le mot ne vous fâche pas, vous mentez par un bon motif ; vous croyez devoir mentir, mais vous ne doutez pas de la faute ; sans cela, vous ne seriez pas ici.

— Pourquoi pensez-vous cela, puisque vous y êtes également ?

— Ah ! vous êtes plus fin que vous n’en avez l’air. Vous voulez me faire dire ce que je sais.

— Je vous ai défendu de me dire quoi que ce soit !

— C’est-à-dire que vous ne voulez pas m’en savoir gré ; mais, si je vous le disais malgré moi, vous seriez