Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/237

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sérieuse préoccupation. Elle lui disait que la vanité le perdrait, qu’il entreprenait trop, qu’il aspirait à sa ruine, et elle ajoutait avec une ironie bien significative que le pays se moquerait toujours de la comtesse Vanina, élevée à l’hôpital et prise par son mari à la queue des chèvres, qu’elle était alors bien heureuse de garder pour dix écus par an.

Je ne me mêlais pas de leur conversation. Je feignais de m’être pris depuis quelque temps d’un grand amour pour l’histoire naturelle, et j’allais un peu en zigzag, tantôt derrière eux, tantôt à côté, ramassant une chose ou l’autre ; mais je ne perdais ni un mot ni un regard.

Je découvris bientôt qu’au fond de leur dispute il y avait, de la part de Tonino, quelque chose d’assez abject. Il exploitait l’amour ou la crainte de Félicie. Il voulait qu’elle plaçât dans ses mains, sous forme d’association, une somme qu’elle lui avait prêtée l’année précédente. Félicie n’insistait pas pour qu’elle lui fût rendue prochainement ; elle lui donnait plusieurs années pour s’acquitter. Elle n’exprimait pas même la crainte que Tonino, par ses entreprises téméraires, ne se rendît insolvable ; mais elle refusait de participer à ses profits et pertes, disant qu’elle ne voulait pas encourager ses folies, et qu’elle comptait le tenir par la nécessité de restituer ce qu’il avait emprunté à elle et aux autres.

Ils furent un moment très-irrités.

— Vous me traitez comme vous traitiez le pauvre