Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/248

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ma femme, je craignais de la réveiller, et sous les fenêtres de sa chambre je m’enfonçai dans un verger assez touffu qui me dérobait à ses regards. J’allais y travailler souvent, elle pouvait croire que j’y resterais quelque temps. J’en sortis par la clôture opposée, en rampant sous les buissons. Je gagnai ainsi une ravine qui, après s’être enfoncée à gauche, remontait bientôt à droite, dans la direction de la grotte. Une fois hors de la vue, je gravis avec tant de prestesse, que je croisai l’enfant avant qu’il fût entré dans le bois de mélèzes, un kilomètre au moins avant la gorge où devait être Tonino.

— Où vas-tu, mon petit Pierre ? dis-je au messager d’un air de bonne humeur.

— Je vais, répondit-il, porter un petit présent au filleul de la dame.

— Justement je vais au Vervalt, repris-je. Donne-moi ça, je m’en charge.

— Oh ! non, monsieur, il ne faut pas !

— Pourquoi ?

— Madame a dit : « Ne le remets qu’à M. Tonino. C’est une surprise que je veux faire à sa femme. »

— Je me charge de la surprise.

— Et si madame me gronde ?

— Attends-moi là ; nous rentrerons ensemble, et je promets de dire à madame ce qu’il faudra pour que tu ne sois pas grondé. Tiens, descends dans la ravine, cache-toi et fais un somme. Je t’appellerai en repassant.