Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/253

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second enfant, venu sitôt après le premier, et dans un moment où tu me jurais que ta femme n’était pour toi qu’une servante, que tu ne l’aimais pas ! — Je suis à plaindre, les heures s’écoulent, Sylvestre s’obstine à rester à son bureau. Je vais employer le moyen que tu m’as donné pour t’écrire, il me paraît sûr. Adieu ; viens bientôt, ou donne-moi un autre rendez-vous, — ou crains que je n’aille chez toi, — que je ne dise la vérité à ta femme ou à mon mari. Je suis capable de tout, si tu me laisses encore compter les jours et les semaines dans l’état de désespoir et de fièvre où je suis ! »


Pourquoi aurais-je intercepté cette lettre odieuse et déplorable ? Elle était une épine de plus dans la couronne de blessures que s’était tressée Tonino en croyant se parer des lauriers de la victoire et des myrtes de l’amour. Ces deux malheureux avaient à se châtier l’un par l’autre ; l’expiation était dans son plein. Je ne pouvais que l’abréger par mon intervention. Séparés brusquement, ces deux êtres se regretteraient encore ; il valait mieux les laisser devenir le supplice vivant, incessant, inévitable l’un de l’autre. Je fus implacable, moi, dans ce moment-là !

— Qu’ils se déchirent et se maudissent ! m’écriai-je ; qu’ils ruinent l’existence l’un de l’autre ! qu’ils se haïssent et se brisent ! C’est ici que cesse pour moi le devoir de la protection.

Je repliai la lettre, que j’avais lue presque sans la