Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/254

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toucher, tant elle me répugnait. Je recollai rapidement et adroitement la boîte. Je courus retrouver le petit Pierre ; je la lui remis.

— Je voulais aller au Vervalt, lui dis-je ; mais il m’a fallu passer chez un voisin qui me prie de lui rendre un service, et j’y retourne. Va donc où l’on t’a dit, ce n’est qu’une heure de retard dont tu n’auras pas à te confesser et que j’expliquerai, si l’on te gronde.

Il reprit le sentier des chalets de Sixte More, et je me glissai à travers bois jusque vers les grottes.

Je vis Tonino qui errait avec précaution aux alentours, mais sans impatience. Il venait d’arriver : il ne s’était pas gêné, lui, pour laisser Félicie exposée à l’attendre toute une matinée ; il n’avait pas prévu qu’elle en serait empêchée, et qu’une lettre pourrait aller jusque chez lui et tomber dans les mains de sa femme. Il reçut cette lettre sur le sentier, renvoya l’enfant et disparut dans les rochers, sans doute pour lire la missive.

Je remarquai dans toutes ses allures l’insouciance hautaine d’un homme qui, par habitude de ruse, se croit devenu impénétrable, et que la feinte commence d’ailleurs à ennuyer profondément. Allait-il répondre ? Il avait toujours sur lui des agendas et des crayons, car il passait désormais sa vie à faire des calculs et à prendre des notes. Je me tins caché à distance convenable ; j’attendis.

Je le vis bientôt reparaître : il achevait de déchirer en petits morceaux le carton que j’avais recollé avec