Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/319

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suis tombée comme morte, ne comprenant pas, croyant d’abord que quelqu’un avait tenté de vous assassiner. En revenant à moi, je me suis retracé votre désespoir de ce matin. Vous aviez cédé à mes caresses, à un reste d’amour, à un désir d’homme qui vit seul et triste depuis longtemps, et puis tout de suite l’horreur de moi vous est revenue, et, comme une espèce de saint ou une espèce de fou que vous êtes, vous vous êtes martyrisé la poitrine pour punir le cœur qu’elle contient d’avoir battu pour moi un instant ! Vous voyez bien que je suis un monstre à vos yeux, et que vous feriez mieux de m’abandonner et de me fuir, ou de m’accabler de coups et d’injures que de me laisser voir et deviner le mal que je vous fais en vivant près de vous. Voyons, laissez-moi partir. Je ne peux plus rester ici, je serais méprisée de tous, car votre chagrin saute aux yeux. Tout le monde me demande pourquoi vous êtes si changé et tout à coup si vieilli. Vous ne vous apercevez pas que, depuis deux mois, vos cheveux sont devenus tout gris ? Et cette chemise déchirée et sanglante que j’ai fait disparaître, comment eût-on expliqué cela ? Croyez-vous que le départ de Tonino n’ait pas fait parler ? Vous vous imaginez avoir agi bien prudemment ! Il y avait mieux que cela à faire, allez ! Il fallait agir en homme qui aime. Il fallait tuer ce misérable que je hais, que je haïssais déjà, que j’ai toujours haï peut-être, et, après vous être vengé, il fallait me battre, me fouler aux pieds, me cracher à la figure ; après quoi, vous m’auriez