Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/325

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Ni vengeance ni faiblesse, voilà le cercle où je parvins à me renfermer.

En me sentant plus fort qu’elle, grâce à ce qu’elle appelait mon inertie, Félicie renonça bientôt à la pensée de lutter. Elle craignait, d’ailleurs, beaucoup le scandale, et, quand elle s’était vantée à moi jadis de ne faire aucun cas de l’opinion, elle se mentait à elle-même. Quand elle vit que, malgré ses prévisions, rien de nos malheurs domestiques n’était ébruité, elle travailla à paraître heureuse et me sut gré de la déférence de mon attitude vis-à-vis d’elle ; mais le mal était trop profond pour être guéri par le traitement normal que dictait la logique naturelle. L’ennui s’empara de Félicie, et le besoin d’échapper à cette souffrance intolérable pour elle se fit sentir avec violence. Elle se reprit de folle passion pour moi et m’imposa le supplice de lutter contre ses reproches, ses injures et ses pleurs.

Ma vie devint un enfer, et par moments je sentis ma raison se troubler ; mais je vainquis l’enfer et ses laves. Je me mis à travailler sérieusement, à m’instruire pour mon propre bien, à élever mon caractère par la saine nourriture de l’esprit. Je ne cessai pas pour cela de veiller sur ma malheureuse compagne ; je la soignais comme une malade, assidûment, consciencieusement, et avec une alternative d’indulgence et de sévérité, selon que je voyais l’opportunité d’une méthode ou de l’autre. Elle avait quelquefois besoin d’être grondée comme un enfant pour être empêchée