Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/340

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promis d’avoir confiance en vous ? Vous êtes-vous quittés, elle touchée de votre amour, vous fier de vous-même ? Y a-t-il eu dans vos âmes un moment, un seul moment d’oubli du passé et d’espoir de réconciliation dans l’avenir ?

— Non ! nous avions tous deux de la rage, de la honte et de la haine. Je lui ai dit : « Va-t’en, ne me parle pas ! Je te jetterais dans le torrent. »

— Et elle, alors ?

— Alors, elle, se cachant la figure dans ses mains, elle s’est enfuie sans se retourner.

— Et depuis, vous avez pourtant demandé à la revoir ?

— Pour l’assassiner, oui, c’était devenu mon idée fixe.

— Eh bien, Sixte, voilà l’effet de l’amour qui survit à l’estime, et voilà pourquoi je n’ai pas voulu, je n’ai pas dû redevenir l’amant de ma femme. Allez-vous-en. Ne profanez pas sa tombe par vos adieux. Vous n’avez pas le droit de prier pour elle. Je vous défends d’approcher de la terre où elle repose. Je vous défends aussi de vous venger de Tonino. Je ne puis punir ni lui ni vous, sans attenter à la mémoire de Félicie dans l’estime publique. C’est la seule chose qui lui reste. Que ses secrets soient morts avec elle. Au nom du Dieu clément qui a repris son âme et dont nous ne connaissons pas les desseins sur elle, je vous commande de laisser vivre Tonino. Félicie n’appartient plus ni à lui, ni à vous, ni à moi.