Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/50

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bruyère reposant sur le roc compacte et inexpugnable.

Quand nous eûmes gagné à grand’peine la corniche, nous trouvâmes Félicie et son jeune cousin qui nous attendaient dans la prairie appelée la Quille, à cause d’une dent calcaire qui s’élevait au milieu. Nous étions baignés de sueur.

— Reposez-vous là au soleil, nous dit Félicie ; après quoi, nous nous assoirons à l’ombre de la Quille, et vous y trouverez du lait que nous avons pris au chalet de Zemmi.

— Est-ce qu’il est là, par hasard, le propriétaire ? demanda Jean Morgeron.

— Non, il n’y vient guère, il n’aime pas l’endroit, voyant quel mal sans remède les eaux lui font. Nous n’avons trouvé que son berger. C’est un enfant sans malice ; vous pourrez examiner tout, sans que cela tire à conséquence.

Nous passâmes l’après-midi sur cette croupe gazonnée que dominait une dernière cime rocheuse. Le torrent venait d’un glacier voisin dont le pied se soudait presque au sommet de la montagne relativement peu élevée où nous étions. Je pus m’assurer que, pendant des années au moins, cette fonte de neiges suivrait le cours qu’elle s’était récemment tracé. Je vis aussi que la croupe qu’elle travaillait à entamer de plus en plus était très-riche et presque toute formée des épais détritus d’une ancienne forêt. Tout allait au gré de nos désirs. Jean Morgeron, transporté de joie et d’enthousiasme, se fatigua tant à marcher et à