Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/56

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était catholique. Les catholiques la reniaient pour avoir épousé un protestant.

« Mon père se trouva abandonné de tout le monde ; son orgueil en souffrit tant, qu’il en devint presque fou, et rendit très-malheureuse la pauvre femme pour laquelle il s’était exposé à cette réprobation qu’il n’avait pas voulu prévoir ; une sombre jalousie le dévorait, et il traitait le vieux Monti avec une dureté extrême. Quant à moi, l’unique fruit de ce mariage, il ne m’aima jamais. Je fus élevée dans les orages et dans les larmes. Et pourtant j’étais soumise et laborieuse. J’apprenais tout ce qu’on voulait. Mon grand-père Monti, qui était instruit, me donna une éducation au-dessus de ma condition, croyant me rendre agréable à mon père. Celui-ci, loin d’être flatté de mes progrès, prétendit que je voulais supplanter Jean dans son estime, parce que Jean n’avait pas de facilité pour apprendre, et, malgré tous les soins qu’on s’était donnés pour l’instruire, était resté ignorant.

« J’étais bien loin de vouloir entrer en rivalité avec cet excellent frère qui nous protégeait, mon grand-père, ma mère et moi, contre la tyrannie et les injustices de son père ; mais il nous quitta. Il avait le goût des voyages, et ces orages domestiques l’ennuyaient. Il prit du service, et ma mère, voyant que j’étais insupportable à mon père, obtint que j’irais passer les étés dans une de nos fermes avec le vieux Monti. Je me trouvais heureuse avec lui, mais il tomba