Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/85

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fort peu du qu’en dira-t-on, non pas que je le méprise, mais parce qu’il faut souvent le braver pour changer peu à peu la malveillance en aménité. Ce que j’estimerais dans une fille vierge de cœur, ce serait la droiture et la simplicité de ses pensées. J’aurais l’espoir de l’éclairer, si elle était inculte, et de lui faire partager ma santé morale. Avec vous, cet espoir serait trompé ; vous avez pris le malheur par son mauvais côté, et je serais effrayé d’épouser le doute ou le dédain de toutes choses.

— Alors, vous vous marieriez pour avoir la paix ? Vous êtes donc un égoïste ? Vous ne vous attacheriez pas comme moi par pur dévouement ?

— Si fait, orgueilleuse ! mais avec l’espoir seulement d’un dévouement utile. Il est des dévouements aveugles, obstinés, généreux sans doute, mais insensés, puisqu’ils ne servent qu’à augmenter les travers des gens qu’on idolâtre et à faire naître en eux, malgré eux quelquefois, le mal funeste de l’égoïsme. Si votre frère est un peu fou, croyez bien qu’il y a de votre faute, et, si Tonino est excellent, c’est que vous n’avez pu l’empêcher de l’être. Quant à moi, j’ai été un peu comme vous, j’ai gâté, j’ai corrompu, par conséquent, les objets de mon affection, et, quand j’ai voulu réparer le mal, il était trop tard. J’avais manqué de prévoyance, j’ai manqué d’ascendant. L’homme qui s’attacherait à vous avec l’espoir d’adoucir les aspérités de votre caractère arriverait peut-être trop tard et ne ferait que vous exaspérer. Esti-