Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/89

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Jean monta au chalet, et, en me secouant les deux mains :

— Pourquoi donc, me dit-il, ne revenez-vous pas chez nous ? Vos études ici sont finies, je le vois bien d’après tout ce que vous avez écrit sur ce gros registre. Est-ce que vous vous plaisez seul plus qu’avec les amis ?

— J’aime la solitude, répondis-je, j’en ai souvent besoin ; mais j’aime les amis encore plus, et je retournerai chez vous dans quelques jours, à moins que vous n’ayez tout de suite besoin de moi.

— Eh bien, oui, nous avons besoin de vous tout de suite ; ma sœur dépérit.

— Elle est malade ?

— Oui, il faut être son médecin.

— Mais je ne suis pas médecin, mon cher ami ; vous croyez donc que je sais tout ?

— Vous savez tout ce qui est bon, et vous devez savoir de bonnes paroles pour guérir une âme malade. Voyons, vous n’êtes pas un enfant, vous n’êtes ni sourd ni aveugle. Vous n’avez pas été avec nous jusqu’à présent sans découvrir que ma sœur vous aime ?

Et, comme je le regardais avec stupéfaction, il partit d’un gros rire cordial.

— Il paraît que je me suis trompé, dit-il, et que vous ne le saviez pas !

— Mais vous rêvez, mon ami, m’écriai-je ; j’ai vingt ans de plus que votre sœur !

— Cela, nous ne le croyons pas : nous voyons qu’il vous plaît de vous vieillir de dix ans ; mais votre