Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus que vous ne l’avez fait encore ; vous en deviendrez peut-être amoureux à présent que vous savez que vous avez droit de l’être. Depuis son malheur, qu’elle n’a jamais essayé de cacher à personne, Félicie a fait plus d’une passion, et, si elle voulait, je sais plus d’un parti sortable qui se présenterait encore ; mais elle est difficile et ne trouve personne à son gré. Il n’y a que vous devant qui elle s’incline comme devant son supérieur. Je sais, moi, qu’elle peut plaire beaucoup malgré ses défauts, et je ne crois pas impossible qu’elle vous plaise à la longue. J’espère que vous n’allez pas nous quitter à cause de ce que je vous ai dit ?

— J’avoue que j’en suis tenté, mon cher hôte. Je crains de jouer un rôle ridicule ou blessant.

— Non, vous êtes censé ne rien savoir, ne rien deviner. Si ma sœur se doutait de mon indiscrétion, elle serait si furieuse qu’elle s’en irait, je crois ! Elle est fière, allez, trop fière peut-être. Jamais elle ne vous préviendra, n’ayez pas peur ! Avec cela, elle n’est pas une enfant, et, si elle voit que vous ne l’aimez pas, ce qu’elle pense et croit déjà, elle renfoncera son chagrin et le surmontera. Elle est forte et vaillante comme dix hommes, et, quant au dépit, elle a l’âme trop haute pour savoir ce que c’est. Descendez donc chez nous, et, dans huit jours, nous reparlerons de ça. On doit toujours à une personne qui vous aime de réfléchir et d’examiner.

Je dus promettre ; mais, avant de quitter Morgeron,