Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/122

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lui dire, remercie-la et viens ailleurs parler d’autre chose.

MYRTO. — Non, non, on ne m’intimidera pas avec de grands airs ! Quelque chose de rare ! J’en prends aussi quand je veux, de ces airs-là ! J’en veux à madame, et il faut qu’elle sache bien que si elle épouse Gérard, c’est un effet de ma générosité.

DIANE. — Vous êtes bien bonne, et je vous en remercie, mademoiselle Myrto !

MYRTO. — Ah ! voilà que vous me raillez ! Voyez-vous ce petit ton ! Eh bien, oui, ma belle dame, il ne tient qu’à moi de vous empêcher d’être marquise, et ne faites pas trop la princesse avec moi !

DIANE. — Peut-on vous demander comment vous m’en empêcheriez, si j’en avais l’intention arrêtée ?

MYRTO. — L’avez-vous, oui ou non ?

DIANE. — Cela ne vous regarde pas.

MYRTO. — Pardon ! ça me regarde. J’ai une tête aussi ! Je veux bien vous laisser Gérard, mais je ne veux pas qu’il me laisse sans ma permission.

DIANE. — Eh bien, arrangez-vous ensemble ; cela ne me regarde pas du tout.

MYRTO. — Allons, c’est bien ! Vous ne vous souciez pas de lui, vous vous moquez de lui, et vous voilà bien forte, parce que vous n’avez pas à me disputer un homme dont vous ne voulez que le nom. Voilà donc vos manières, à vous autres ? « Prenez nos amants, mesdemoiselles, nous n’y tenons pas, pourvu qu’ils nous épousent ! » Eh bien, nous ne pouvons pas vous empêcher de vouloir, malgré tout, les épouser ; nous ne pouvons pas vous forcer à en être jalouses ; mais nous pouvons quelquefois rompre vos mariages et faire que vous ayez la honte d’être délaissées comme nous le sommes.

DIANE. — Non, pas comme vous l’êtes !

MYRTO. — Ah ! enfin, voilà la colère qui vient et la haine qui perce ! Merci, ma belle comtesse ! J’aime mieux ça que vos douceurs méprisantes, et je peux enfin vous jeter la honte à la figure. Vous serez délaissée par le marquis de