EUGÈNE. — Oui ! La vanité, l’avidité, la curiosité, la gourmandise et la fainéantise.
DAMIEN. — Tu changes de guitare à chaque instant.
EUGÈNE. — Non pas, je suis votre raisonnement, et je poursuis le mien.
MAURICE. — Mais oui ! il va bien ! Bonne tenue dans le vin comme sous les armes. Pompier, vous aurez une médaille !
EUGÈNE. — Interrogez-moi encore, vous verrez si je ne vous réponds pas comme il faut.
DAMIEN. — Voyons, sergent, quelle est la cause de l’aversion immodérée des femmes vertueuses pour celles qui ne le sont pas ?
EUGÈNE. — Regarde le Mayeux ! quelle est la cause de l’aversion immodérée de son allure pour la ligne droite ?
DAMIEN. — C’est qu’il est bossu et bancal.
EUGÈNE. — Eh bien, toutes les femmes vertueuses sont bancales ou bossues ; cela les rend jalouses des prêtresses de la beauté, et, comme elles sont hypocrites, elles ont horreur de la ligne droite et cachent leur jalousie sous une feinte indignation.
MAURICE. — Tudieu ! quel sceptique après boire !
EUGÈNE. — Distinguons ! comme dit le curé de Noirac. De quelles femmes vertueuses me parlez-vous ? De celles qui le sont, ou de celles qui ne le sont pas ?
DAMIEN. — De celles qui le sont.
EUGÈNE. — Alors regardez, ô entomologistes de mon cœur, cet aimable agrillon ou cette diaphane libellule azurée qui voltige autour de ma rame ; je ne sais pas son nom, peu importe ! j’appelle ça, en latin, une demoiselle.
MAURICE. — Eh bien ?
EUGÈNE. — Suivez ses mouvements. Chaque coup que la rame frappe sur l’eau y creuse un petit abîme où cette délicate créature trouverait la mort ; elle se préserve bien d’y tomber, et d’une aile sûre et légère elle plane au-dessus, sans frayeur et sans grimace.
DAMIEN. — Est-ce à dire que la vertu est brave et calme ? C’est un peu tiré par les cheveux !