Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/238

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Changeons ! Et, vite, le Brighelle, le Mezzettin et le sbire ; n’oubliez pas le sbire ! six pouces de moustaches et un manteau couleur de muraille. Tu parlais de public homogène ! Sais-tu que demain, c’est-à-dire ce soir, puisque voilà une heure du matin qui sonne, nous serons pourtant dans le cas que tu signalais ? Nous avons invité toutes sortes d’opinions. Ce qui plaira à Jacques et à Florence ne plaira probablement ni à maître Pierre, ni à madame de Noirac, ni au curé de Saint-Abdon.

MAURICE. — Moquons-nous un peu de tout le monde afin de ne déplaire à personne. Donne-moi les tenailles ; voilà un clou rouillé qui me fera damner ! Et le nègre ! n’oubliez pas le nègre. Et à propos du curé de Saint-Abdon, nous l’aurons donc ?

EUGÈNE. — Probablement. Émile a voyagé ce soir avec lui. Ils se sont égarés, et le brouillard l’a décidé à revenir demander asile au curé de Noirac pour cette nuit. Émile ira demain matin l’inviter, et après avoir été dire ses offices du dimanche dans sa paroisse, il reviendra certainement.

DAMIEN. — Il est donc couché, ce paresseux d’Émile, au lieu de nous aider !

ÉMILE, entrant. — Non ! je viens de lire les journaux dans la salle à manger. Savez-vous ce que dit la Presse du nouveau ministère ?

MAURICE. — Il est bien question de ça ! Montez sur l’escabeau et tenez-nous la lumière, pendant que nous accrocherons nos coulisses.

ÉMILE. — Je veux bien. Ça vous est donc bien égal, ce qui se passe ?

DAMIEN. — Dans ce moment-ci, oui ! Nous n’avons pas le temps d’y penser.

EUGÈNE. — Ne dis donc pas ça. Ça l’indigne.

ÉMILE. — Moi ? pas du tout. Quand je travaille à mon étude, je ne pense qu’à mon travail, et je n’y sauve pas la patrie plus que vous dans ce moment-ci.

MAURICE. — Il a raison. On ne peut pas sauver la pa-