Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/67

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prêtre, je le vois… Eh bien, convertissez-moi, je ne demande pas mieux. Venez me voir souvent, tous les jours… Et tenez ! dînez avec moi. Je fermerai ma porte aux visiteurs, et nous parlerons théologie toute la soirée. Je sens que cela m’occupera l’esprit.

LE CURÉ. — Pardon, madame, il m’est impossible aujourd’hui…

DIANE. — Vous n’avez pas le temps ? Eh bien, demain ! Venez me prendre dès le matin ; nous irons à cheval visiter les chaumières, et, chemin faisant, vous m’entretiendrez des choses divines. Oui, je m’en fais une fête ! Par une belle matinée, au soleil naissant, traverser les prairies humides de rosée et sentir son âme s’élever à Dieu dans ce temple de la nature… ce sera pour moi un grand plaisir, et j’aime mieux cela que les histoires de chasse et de Jockey-Club du marquis de Mireville. C’est convenu, vous viendrez ?

LE CURÉ. — Mille pardons, madame, je ne pourrais pas…

DIANE. — Pourquoi donc ? Ah ! vous ne voulez pas vous intéresser à l’œuvre de mon salut, l’abbé ? Vous pensez que mon âme ne vaut pas la peine…

LE CURÉ. — Je fais des vœux ardents pour votre salut, madame la comtesse, et mes plus ferventes prières seront pour vous. Ah ! que le Seigneur bénisse vos jours et verse ses bénédictions sur votre tête !… Mais… mes occupations, mes devoirs ne me permettent pas de me consacrer à une tâche assidue qui serait trop douce pour moi, et que le monde m’envierait trop pour ne pas calomnier mes intentions les plus pures… Je crois que voici une personne qui vous cherche… Je vous demande la permission de me retirer.

DIANE. — Mais non, mais non ! C’est le marquis. Restez donc avec nous, l’abbé ! Ce n’est pas un très-bon chrétien non plus, lui ! Vous nous prêcherez tous les deux, et personne n’y pourra trouver à redire.

(Il salue et s’éloigne.)