Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/73

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la comtesse, mais elle ne vous sera pas difficile à remplir Je ne me mettrai jamais dans le cas d’être humilié par personne.

DIANE. — Ah ! mais, savez-vous que vous le prenez bien haut ! (Florence fait un mouvement pour se retirer.) et que vous me traitez tout à fait en ennemie ? Voyons, monsieur le jardinier, j’ai peut-être autant d’esprit et de délicatesse qu’il en faut pour ne pas froisser un homme délicat et intelligent ; mais si vous êtes ainsi sur la défensive avec tout le monde, vous vous aigrirez le caractère, et j’aurai le regret, moi qui voudrais rendre aussi satisfaits que possible les gens qui m’entourent, d’avoir échoué auprès de vous. Savez-vous qu’à la figure que vous avez en ce moment-ci, on dirait… (Elle rit) oui, vraiment ! on dirait que je vous ai inspiré une de ces antipathies soudaines, irrésistibles, comme on en voit dans les romans ?

FLORENCE. — Non, madame, je ne sens rien de pareil auprès de vous ; mais je dois faire la sotte figure d’un homme au comble de l’étonnement.

DIANE. — Ah ? Pourquoi ? Dites, dites ! Pourquoi êtes-vous si étonné, monsieur Florence ?

FLORENCE. — Parce qu’en entrant à votre service, comme vous m’avez fait l’honneur de me le dire, madame la comtesse, je ne m’attendais pas du tout à être admis au privilége de causer avec vous sur tout autre sujet que l’horticulture et la botanique.

DIANE. — La botanique ? je ne la sais pas ; l’horticulture ? je n’y entends rien. Je ne fais jamais aucune conversation, je vous jure, avec le jardinier-maraîcher qui entretient ma maison de légumes. Les choux et les carottes ne m’intéressent point. Je pourrais parler fleurs et arbres avec vous, parce que je les aime, mais sans profit pour mon éducation botanique ni pour la vôtre. J’aime la nature en poëte et en artiste. Embellissez la nature autour de moi ; rassemblez sous ma main et sous mes pieds les merveilles de la végétation, à quelque prix que ce soit, je vous en saurai le plus grand gré du monde ; mais n’attendez pas que je vous de-