Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/107

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depuis quarante ans, — mais ce que son histoire locale et ses monuments montrent à chaque pas, à chaque ligne. Son petit cercle de montagnes a protégé les plus insolents brigandages de la féodalité et les plus rapaces dominations du clergé. Il en a souffert, mais il s’y est prêté, et sa dévotion, comme ses mœurs, a conservé l’empreinte des luttes violentes et des croyances barbares du moyen âge. Une divinité de l’antique Égypte, rapportée, dit-on, de la Palestine, par saint Louis, est l’idole que la révolution a brisée après des siècles de vénération. On a inauguré une nouvelle vierge noire, mais il est avéré qu’elle est apocryphe et qu’elle fait moins de miracles que l’ancienne. Heureusement on a conservé dans le trésor de la cathédrale les cierges que portaient les anges lorsqu’ils descendirent du ciel pour placer eux-mêmes la figure d’Isis sur l’autel. On les montre à la vénération des fidèles. Voilà pour la religion. — Au cabaret, c’est autre chose. Chacun apporte son couteau dans sa gaine et le pique par la pointe dans le dessous de la table entre ses jambes, après quoi on cause, on boit, on se contredit, on s’exalte et on s’égorge. Voilà pour les instincts. Ils s’affaiblissent chaque jour, Dieu merci ; mais en notre an de grâce 1845, ils ne sont point détruits, et il y a quelque chose de farouche dans les plaisirs. Les femmes en sont exclues, les prêtres leur défendant la danse et même la promenade avec l’autre sexe. Les hommes n’ont donc aucun frein, aucun respect, aucune déli-