Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/112

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que tôt ou tard il sera ma vie et mon but. Ce n’est pas seulement le devoir qui m’amène près de lui, ce sont mes entrailles qui crient vers lui quand j’ai passé un certain temps sans le voir. Il est bien ici, il ne manque de rien, il se fortifie, il est aimé. Ses parents adoptifs sont d’excellents êtres, et, pour le bien soigner, leur cœur est, je le vois, tout à fait d’accord avec leurs intérêts. Ils habitent la partie restée debout et convenablement restaurée du manoir. L’enfant est élevé dans ces ruines, au sommet de ce large rocher, sous un ciel vif, dans un air pur et tonifiant, et par des gens propres et soigneux. La femme a habité Paris ; elle a une idée juste de la dose d’énergie et de ménagement qu’il faut appliquer au régime d’un enfant plus délicat, mais tout aussi bien constitué que les siens : je pourrais donc ne m’inquiéter de rien et attendre l’âge où il faudra soigner et former autre chose que le corps. Eh bien ! je m’inquiète quand même dès que je suis loin de lui. Son existence m’apparaît souvent alors comme une anxiété et un trouble profond dans ma vie ; mais, quand je le vois, tout effroi s’efface et toute amertume est allégée. Que veux-tu que je te dise ? je l’aime ! Je sens qu’il m’appartient et que je lui appartiens également. Je sens, qu’il est moi, oui, moi, beaucoup plus que sa pauvre mère ; à mesure que ses traits et ses instincts se dessinent, je cherche vainement en lui quelque chose qui me la rappelle, et ce quelque chose semble ne pas devoir éclore. Contre la loi la plus ordinaire qui fait que les