Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/134

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qu’il y ait bien des femmes du monde susceptibles de se laisser compromettre, puisqu’on attribue un si grand nombre de victimes au duc d’Aléria. Moi, je ne le vois point occupé de femmes et je ne l’entends jamais mal parler d’aucune en particulier. Bien au contraire, il loue la vertu et déclare qu’il y croit. Il semble n’avoir jamais rien eu à se reprocher en fait de perfidie, car il établit une différence bien marquée entre celles qui consentent à se perdre et celles qui n’y consentent pas. Je ne sais s’il en impose, mais il a l’air d’avoir aimé avec respect et sincérité. Ni sa mère ni son frère n’ont l’air d’en douter, et moi j’aime à croire que c’est une nature sincère, mais inconstante, qu’il a fallu être bien crédule ou bien vaine pour espérer de fixer. Qu’il ait été libéral avec excès, joueur, oublieux de ses devoirs de famille, enivré de luxe et d’enfantillages indignes d’un homme sérieux, cela je n’en doute pas, et c’est là que je vois sa faiblesse de jugement et sa vanité ; mais ce sont les défauts et les malheurs de l’éducation et d’une vie trop privilégiée au début. Ces gens-là n’ont pas été avertis du devoir par la nécessité, et on leur a enseigné tout ce qu’il y a de plus contraire à l’économie et à la prévision. Est-ce que notre pauvre père ne s’est pas ruiné, lui aussi, et qui oserait dire qu’il y eut de sa faute ? Quant à de la fatuité, j’ai beau en chercher chez le duc, je n’en vois pas la moindre trace. Il est aussi simple ici qu’un bon hobereau de campagne. Il s’habille d’une vareuse de trente francs