Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/141

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peut-être même sans savoir que c’était justement le chiffre de la pension de son interlocuteur.

— Eh bien ! reprit le duc, qui voulait d’un mot décocher une espérance afin de pouvoir la retirer avec un autre mot, — toujours histoire d’agiter ce cœur placide ou craintif, — si quelqu’un vous offrait une petite existence comme celle-là avec un amour vrai ?

— Je ne pourrais pas l’accepter, répondit Caroline ; j’ai quatre enfants à nourrir et à élever, aucun mari n’accepterait ce passé-là !

— Elle est charmante ! s’écria la marquise, elle parle de son passé comme une veuve !

— Ah ! je n’ai pas parlé de la veuve, ma pauvre sœur ! Avec moi et une vieille bonne qui nous est attachée, et qui partagera le dernier morceau de pain de la maison, nous sommes sept, ni plus ni moins. Voyez-vous d’ici le jeune homme à marier avec ses douze mille livres de rente ? Je crois décidément qu’il ferait une mauvaise affaire !

Caroline parlait toujours de sa situation avec une gaieté sans affectation qui montrait la sincérité de son âme. — Eh bien ! au fait vous avez raison, dit le duc, vous vous tirerez mieux de la vie toute seule avec ce beau courage et cette vaillance d’esprit. Je crois que vous et moi nous sommes les seules personnes vraiment philosophes qu’il y ait. Je regarde la pauvreté comme rien quand on n’est responsable que de son propre consentement, et je dois dire que je n’ai jamais été aussi heureux que je le suis.