Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/183

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chanson du ciel ; mais tu mens. Elle n’aime personne, elle ne m’aimera jamais !

— Veux-tu que j’aille la chercher en lui disant que tu es malade sérieusement ? Je parie que dans cinq minutes elle est ici !

— C’est possible, répondit le marquis avec une douceur languissante. Elle est pleine de charité, de dévouement ; mais ce serait pire pour moi de constater la pitié… et rien de plus !

— Bah ! tu n’y entends rien ! La pitié, c’est le commencement de l’amour. Il faut bien que tout commence par quelque chose qui n’est pas encore le milieu ni la fin. Si tu voulais te laisser guider par moi, dans huit jours, vois-tu…

— Ah ! voilà où tu me fais plus que du mal. S’il était aussi facile que tu crois de se faire aimer d’elle, je ne le souhaiterais plus si ardemment.

— Eh bien ! l’illusion serait dissipée. Tu redeviendrais calme. Ce serait déjà quelque chose.

— Ce serait ma fin, Gaëtan ! reprit le marquis en s’animant et en retrouvant de la force dans la voix. Ah ! que je suis malheureux que tu ne puisses pas me comprendre ! Mais il y a là un abîme qui nous sépare. Prends-y garde, mon pauvre ami ! avec une imprudence, avec une légèreté, avec une erreur de ton dévouement, tu peux me tuer aussi vite que si tu prenais un pistolet pour me faire sauter la tête.

Le duc était fort embarrassé. Il trouvait la situation simple entre deux êtres plus ou moins portés l’un