Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/219

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jusque dans les dernières influences, en traçant d’une main ferme l’histoire des spoliations et des usurpations de pouvoir depuis la création féodale de la noblesse jusqu’à l’heure présente. C’était refaire l’histoire de France à un point de vue spécial, sous l’empire d’une idée distincte, absolue, inflexible, indignée, et partant d’un sentiment religieux que la noblesse ne pouvait combattre sans se suicider, elle qui invoque le droit divin comme la clef de voûte de son institution.

Nous n’en dirons pas davantage sur la donnée de ce livre, dont la critique même doit rester en dehors de notre sujet. Quelque jugement qu’on pût porter sur les croyances de l’auteur, il eût été impossible de ne pas reconnaître en lui un splendide talent, joint au savoir et à la bonne foi puissante d’un esprit de premier ordre. Le style particulièrement était magnifique, d’une ampleur et d’une richesse que n’eût jamais fait soupçonner la modeste concision des paroles du marquis dans le monde ; mais, dans son livre même, il donnait peu de place à la discussion. Après avoir posé les prémisses et les motifs de sa recherche en quelques pages d’une chaude et sévère appréciation, il passait aux faits et les classait historiquement avec une éloquente clarté. Ses récits, pleins de couleur, avaient l’intérêt du drame et du roman, même lorsque, fouillant dans les obscures archives des familles, il révélait l’horreur des temps féodaux, les souffrances et l’avilissement de la plèbe. Enthousiaste et ne s’en défendant pas, il sentait profondément les attentats contre la justice.