Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/220

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contre la pudeur, contre l’amour, et en bien des pages son âme, passionnée pour le vrai, le juste et le beau, se révélait tout entière avec des cris d’éloquence entraînante. Plus d’une fois Caroline se sentit fondre en larmes, et posa le livre pour se remettre.

Caroline n’eut pas d’objections. Il n’appartient pas au simple narrateur de prononcer qu’elle eût dû en faire, ou qu’il n’y en avait réellement pas à faire mais il doit dire qu’elle ne s’en trouva pas, tant l’admiration du talent et l’estime de l’homme l’avaient gagnée. Le marquis de Villemer devint à ses yeux un personnage si complétement supérieur à tout ce qu’elle avait jamais rencontré qu’elle conçut dès lors l’idée de se dévouer à lui sans réserve et pour toute sa vie.

Quand nous disons sans réserve, il en était une, à coup sûr, qui n’eût pas fait si bon marché d’elle-même, si elle se fût présentée à sa pensée ; mais elle ne s’y présenta pas. La supposition qu’un tel homme pouvait lui demander le sacrifice de l’honneur ne troubla pas un instant la sérénité de son enthousiasme. Nous n’oserions pourtant pas affirmer que dès lors cet enthousiasme n’embrassât pas à son insu l’amour comme un des éléments inévitables de sa plénitude ; mais l’amour n’avait pas été le point de départ. Le marquis n’avait pas su jusque-là révéler toutes les séductions de son intelligence et de sa personne ; il avait été contraint, troublé, malade. Caroline ne vit pas tout d’un coup le changement qui se fit en lui d’une manière insensible, lorsqu’il devint éloquent, jeune et beau,