Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/234

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de lui ouvrir son cœur à tout risque, il s’y sentait entraîné par une lueur d’espoir ; elle la lui ôta, et il devint triste et comme accablé.

— Eh bien ! vous voyez, reprit-elle, vous ne trouvez rien à me répondre !

— Vous avez raison, dit-il ; je n’avais pas le droit de vous dire que mademoiselle de Xaintrailles me serait à coup sûr indifférente. Je le sais, mais vous ne pouvez être juge des raisons secrètes qui m’en donnent la certitude. Ne parlons plus d’elle. Je tenais à vous bien convaincre de ma liberté d’esprit et du droit de ma conscience à cet égard. Je ne veux pas qu’une pensée comme celle-ci puisse exister en vous : M. de Villemer doit se marier pour de l’argent, de la considération et du crédit ! Oh ! cela, mon amie, je vous en supplie, ne le croyez jamais. Descendre à ce point dans votre estime serait un châtiment que je n’ai mérité par aucune faute, par aucun tort envers vous ni envers les miens. Je tiens aussi à ce que, d’autre part, vous ne me fassiez point de reproche, s’il arrive que je me voie forcé de contrarier ouvertement les désirs de ma mère dans mon établissement. J’ai cru devoir vous dire tout ce qui me justifie d’une prétendue bizarrerie. Voulez-vous bien maintenant m’absoudre d’avance si j’ai tôt ou tard à déclarer à elle et à mon frère que je peux leur donner mon sang, ma vie, mes dernières ressources, mon honneur même, mais pas ma liberté morale et ma vérité intérieure, pas cela ! Oh ! cela, non, jamais, c’est à moi, et c’est le seul bien que je