Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/288

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portée, et en pensant à cet amour instinctif de la vie qui l’avait fait frissonner quelques instants auparavant, elle naturellement intrépide, elle voulait se persuader que c’était comme un pressentiment, comme une céleste promesse d’une prochaine guérison. — Qui sait ? J’oublierai peut-être plus tôt qu’il ne me semble. Est-ce que j’ai le droit de vouloir mourir, moi ? Est-ce que j’ai même celui de céder aux larmes et de perdre mes forces ? Est-ce que ma sœur et ses enfants peuvent se passer de moi ? Est-ce que je veux qu’ils vivent de la pitié de ceux qui m’ont forcée de fuir ? Ne faudra-t-il pas que bientôt je travaille, et pour travailler, ne faut-il pas oublier tout ce qui n’est pas le travail ?

Et puis elle s’inquiétait même de son courage. — Pourvu, se disait-elle encore, que ce ne soit pas un piège de l’espérance ! — Il lui revenait des mots de M. de Villemer, des phrases de son livre qui révélaient une volonté, une pénétration, une persévérance extraordinaires. Un tel homme pouvait-il renoncer à une résolution prise, se laisser égarer par des ruses de guerre et n’avoir pas le sens divinatoire de l’amour élevé à la plus haute puissance ?

— J’ai beau faire, il me retrouvera s’il veut me retrouver ! C’est en vain que je suis ici, à cent cinquante lieues de lui, et que me supposer là plutôt qu’ailleurs paraît tout à fait impossible ; il aura cette seconde vue, s’il m’aime de toute la force qui est en lui. Il serait donc puéril de fuir et de me cacher, si