Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/362

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sait cruellement. Il ne comprenait rien au rôle de cette rustique Providence qui, en veillant sur Caroline, s’était montrée si opiniâtre et si cruelle envers lui, et qui maintenant revenait à lui avec un dévouement et une sollicitude sans bornes. Enfin Peyraque sortit. Il ne pouvait pas oublier son pauvre cheval, son fidèle compagnon, qu’il se reprochait d’avoir brutalisé, et qu’en arrivant il avait dû confier à des soins étrangers.

— Caroline, dit le marquis après s’être assis sur un escabeau en s’appuyant encore sur le bras de son amie, j’avais bien des choses à vous dire, mais je n’ai pas ma raison,… non, vrai, je ne l’ai pas, et j’ai peur de vous parler dans le délire. Pardonnez-moi, je suis heureux,… heureux de vous voir, de vous sentir là en sortant encore une fois des bras de la mort ! Mais je ne peux plus vous inquiéter ! Mon Dieu ! quel fardeau j’ai été dans votre vie ! Il n’en sera plus ainsi, ceci n’est qu’un accident,… une folie, une imprudence de ma part ; mais pouvais-je me résigner à vous perdre encore ? Vous ne savez pas, vous ne saurez jamais,… non, vous ne savez rien, vous n’avez pas compris ce que vous étiez pour moi, et peut-être ne voudrez-vous jamais le comprendre ! Demain, peut-être vous me fuirez encore ! Et pourquoi, mon Dieu ?… Tenez, lisez, ajouta-t-il en cherchant sur lui et en lui remettant le feuillet froissé de la lettre commencée à Lantriac le matin même ; c’est peut-être illisible à présent la pluie, la neige…