Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/366

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nous y rendra insensibles à ces lâches atteintes ! Oh ! cela, je t’en réponds par exemple, et voilà ce que je peux te jurer en dépit de toutes les menaces de la destinée que les hommes voudraient nous faire : tu seras aimée, donc tu seras heureuse ! Tu me connais bien, cruelle qui fermais les yeux en fuyant ! Tu savais bien que toute ma vie, toute mon âme, tout est amour et rien que cela ! Tu savais bien que, si j’ai quelquefois cherché la vérité avec ardeur, c’était par amour pour elle, et non pour la vaine gloire de la proclamer en personne ! Je ne suis pas un savant, je ne suis pas un auteur, moi ! Je suis un inconnu qui passe volontairement à côté du bruit et de la fumée, combattant à l’écart et dans l’ombre, non par manque de courage, mais pour ne pas risquer de blesser ma mère et mon frère dans la mêlée. J’ai accepté ce rôle effacé sans éprouver aucune souffrance d’amour-propre. Je sentais que ma poitrine n’avait pas besoin d’encens, mais d’amour. Toutes les ambitions de mes pareils, toutes leurs vanités démesurées, leur soif de domination, leurs besoins de luxe, leur continuel désir de paraître, que m’importait tout cela ? Je ne pouvais pas m’amuser avec ces jouets-là ! Je n’étais, moi, qu’un pauvre homme simple, épris d’idéal, un enfant naïf, si l’on veut, cherchant l’amour et le sentant vivre en lui, longtemps avant d’avoir rencontré celle qui devait développer en lui sa puissance. Je me taisais, sachant bien que je serais raillé, ce qui m’était indifférent, quant à moi, mais ce qui m’eût fait souffrir