Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/368

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jamais l’un sur l’autre que pour affermir et développer ce qui y était déjà, pour y faire fleurir les germes de nos plus profonds instincts. Ah ! rappelez vous, Caroline, rappelez-vous Séval, et nos heures de soleil dans la vallée, et nos heures de fraîcheur délicieuse sous les voûtes de cette bibliothèque où vous fêtiez par de si beaux vases de fleurs la mystérieuse et profonde union de nos âmes ! N’était-ce pas un mariage indissoluble que nos mains consacraient chaque matin par une pure étreinte ? Notre premier regard ne nous livrait-il pas chaque jour et pour toujours l’un à l’autre ?… Et tout cela serait perdu, envolé pour jamais ? Vous l’avez pu penser un instant, vous, que cette vie-là pouvait finir, que cet homme, désormais sans lumière et sans air, pourrait exister sans vous, qu’il consentirait à retomber dans le néant. Non, non, vous ne l’avez pas cru ! Cet homme vous eût suivie aux extrémités du monde, il eût marché sur des glaces, et dans le feu, et sur les eaux, pour vous rejoindre !… Et quand vous me laissiez mort dans la neige aujourd’hui, ne sentiez-vous pas que mon âme séparée de moi, que mon spectre désespéré vous suivait encore à travers les rafales de la montagne ?

— Écoute, écoute-le ! dit Caroline à Peyraque, qui était rentré et qui contemplait avec stupeur le marquis exalté et comme transfiguré par la passion ; écoute ce qu’il me dit et ne t’étonne plus si je l’aime plus que moi-même ! Ne t’effraye pas, ne t’afflige pas, ne