Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/373

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Elle m’a vu lui parler d’un air affectueux et lui serrer les mains ? Eh bien ! elle a mal vu, car je les lui ai baisées l’une après l’autre, et ce qu’elle n’a pas entendu, je vais vous le dire, car je m’en souviens comme d’hier, j’étais assez ému pour ça. Je lui ai dit : Mon frère a failli mourir cette nuit, et vous l’avez sauvé ! Plaignez-le, soignez-le encore, aidez-moi à cacher son état à ma mère, et, grâce à vous, il ne mourra pas. — Voilà ce que j’ai dit, je le jure devant Dieu, et voici ce qui s’était passé…

Le duc raconta tout, et même, prenant les choses de plus haut, il confessa ses mauvaises pensées, ses vaines coquetteries auprès de Caroline, qui ne s’en était pas seulement aperçue. Il dit l’accès de jalousie du marquis contre lui, leur brouille d’une heure, leur embrassade passionnée, les aveux de l’un, les serments de l’autre, la découverte qu’il avait faite en ce moment-là de l’état alarmant de son frère, l’imprudence qu’il avait commise de le quitter, le croyant apaisé et le voyant endormi ; la vitre cassée, les cris que Caroline avait entendus, et Caroline s’élançant au secours, ranimant le malade, restant près de lui, et se consacrant depuis ce moment à le soigner, à le distraire, à l’aider dans son travail.

— Et tout cela, ajouta le duc, avec un dévouement, une candeur et un désintéressement personnel dont je vous déclare n’avoir jamais vu d’exemple ! Cette Caroline, tenez, c’est une femme d’un rare mérite, et j’ai beau chercher une personne dont l’âge, le carac-