Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/42

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trouvai face à face avec deux grands yeux bleus d’une limpidité extraordinaire. Je saluai en demandant pardon ; on se leva en me rendant mes excuses, et, chargée de faire les honneurs, mais ne sachant que dire à un nouveau visage qui avait l’air de me demander qui j’étais, je pris le parti de ne rien dire du tout.

Le personnage s’était levé ; il s’était mis le dos à la cheminée, et me suivait des yeux d’un air plutôt bienveillant qu’étonné. C’est un homme de haute taille, un peu gros, d’une grande figure, et, ce qu’il y a de plus surprenant, d’une physionomie charmante. Il est impossible d’avoir l’aspect plus doux, plus humain, plus candide même ; le son de sa voix est voilé et affectueux, la prononciation d’une extrême distinction, ainsi que les manières. Je dirai même qu’il y a dans les moindres mouvements de ce serpent à sonnettes quelque chose de suave, et que son sourire est comme celui d’un enfant.

Y comprends-tu quelque chose ? Pour moi, j’étais si loin de me méfier de la vérité, que je revins vers la cheminée, me sentant comme attirée par ce bon regard, et prête à lui répondre de la façon la plus affable, s’il lui plaisait de m’adresser la parole. Il paraissait désireux d’entrer en matière, et il le fit tout franchement. — Mademoiselle Esther est-elle malade ? me dit-il de sa voix douce et avec une intonation très-polie.

— Mademoiselle Esther n’est plus ici depuis deux