Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/66

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— Qu’importe ? qu’il ait de quoi apprendre à travailler, à être un homme, c’est tout ce que je désire pour lui. Je ne peux jamais le reconnaître ostensiblement, et pendant quelques années je ne veux pas le rapprocher de moi. Il est très-frêle, je le fais élever à la campagne, chez des paysans. Il faut qu’il acquière la force physique qui m’a toujours manqué, et dont l’absence a peut-être déterminé chez moi le manque de force morale. Puis à la dernière heure, M. de G… sur un mot imprudent du médecin, a eu le soupçon de la vérité. On ne doit pas voir de longtemps auprès de moi un enfant dont l’âge coïnciderait avec le funeste événement. Tu vois, Gaëtan, je ne suis pas, je ne peux pas être heureux ?

— C’est donc cette passion-là qui t’a empêché de te marier ?

— Je ne me serais jamais marié, je l’avais juré.

— Eh bien ! à présent il faut y songer.

— C’est toi qui me prêcherais le mariage !

— Mais oui, pourquoi pas ? Le mariage n’est pas, comme tu le penses, l’objet de mon mépris. J’ai affiché cette antipathie pour me dispenser de la peine de chercher femme dans l’âge où j’aurais pu choisir. Quand j’ai été ruiné, cela est devenu plus hypothétique. Ma mère ne m’eût jamais permis d’accepter la fortune sans le nom, et n’ayant plus que mon nom, je ne pouvais plus prétendre qu’à la fortune. Tu sais que, tout détestable que je suis, je n’ai jamais voulu blesser les opinions de notre mère. J’ai donc vu décroître ra-