Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/17

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— Les gens des villes ont donc fait bien du mal dans vos campagnes ? C’est un fait que j’ignore et dont je ne suis pas responsable, puisque j’y viens pour la première fois.

— Vous allez à Gargilesse. Sans doute, c’est M. Cardonnet que vous allez voir ? Vous êtes, j’en suis sûr, son parent ou son ami ?

— Qu’est-ce donc que ce M. Cardonnet, à qui vous semblez en vouloir ? demanda le jeune homme après un instant d’hésitation.

— Suffit, monsieur, répondit le paysan ; si vous ne le connaissez pas, tout ce que je vous en dirais ne vous intéresserait guère, et, si vous êtes riche, vous n’avez rien à craindre de lui. Ce n’est qu’aux pauvres gens qu’il en veut.

— Mais enfin, reprit le voyageur avec une sorte d’agitation contenue, j’ai peut-être des raisons pour désirer de savoir ce qu’on pense dans le pays de ce M. Cardonnet. Si vous refusez de motiver la mauvaise opinion que vous avez de lui, c’est que vous avez contre lui une rancune personnelle peu honorable pour vous-même.

— Je n’ai de comptes à rendre à personne, répondit le paysan, et mon opinion est à moi. Bonsoir, monsieur. Voilà la pluie qui s’arrête un peu. Je suis fâché de ne pouvoir vous offrir un abri ; mais je n’en ai pas d’autre que le château que vous voyez là, et qui n’est pas à moi. Cependant, ajouta-t-il après avoir fait quelques pas, et en s’arrêtant comme s’il se fût repenti de ne pas mieux exercer les devoirs de l’hospitalité, si le cœur vous disait d’y venir demander le couvert pour la nuit, je peux vous répondre que vous y seriez bien reçu.

— Cette ruine est donc habitée ? demanda le voyageur, qui avait à descendre le ravin pour traverser la Creuse, et qui se mit en marche à côté du paysan, en soutenant son cheval par la bride.