Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/177

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sermon ; mais ce n’est pas un mauvais homme, et il allait me renvoyer, en me disant qu’il ferait son possible pour m’épargner les poursuites, lorsque vos lettres sont arrivées. Il les a lues sans faire semblant de rien ; mais il y a eu égard, car il m’a dit : « Eh bien, tenez-vous en repos, fixez-vous quelque part, ne braconnez plus, travaillez, et tout s’arrangera. » Me voilà donc ; mes amis m’ont bien reçu, comme vous voyez, puisque déjà cette maison s’ouvre pour me loger en attendant. Mais il faut que je songe au plus pressé, qui est de gagner de quoi me vêtir, et, avant la nuit, je vas faire le tour du village, pour avoir de l’ouvrage chez les braves gens.

— Écoutez, Jean, lui dit Émile en s’attachant à ses pas : je ne dispose pas de grandes ressources ; mon père me fait une pension, et je ne sais point s’il me la continuera, maintenant que je vais vivre près de lui ; mais il me reste quelques centaines de francs dont je n’ai pas besoin ici, et que je vous prie d’accepter pour vous vêtir et pourvoir à vos premiers besoins. Vous me ferez beaucoup de peine si vous me refusez. Dans quelques jours, votre rancune mal fondée contre mon père sera passée, et vous viendrez lui demander de l’ouvrage ; ou bien, autorisez-moi à lui en demander pour vous : il vous paiera mieux que vous ne serez payé partout ailleurs, et il se relâchera, j’en suis certain, de la sévérité de ses premières conditions ; ainsi…

— Non, monsieur Émile, répondit le charpentier. Rien de tout cela, ni votre argent, ni l’ouvrage de votre père. Je ne sais pas comment M. Cardonnet vous traite et vous entretient, mais je sais qu’un jeune homme comme vous est fort gêné quand il n’a pas dans sa poche une pièce d’or ou d’argent pour s’en faire honneur dans l’occasion. Vous m’avez rendu assez de services, je suis content de vous, et, si je trouve l’occasion, vous verrez que vous n’avez pas