Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/186

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Antoine, les belles ruines ou la charmante Gilberte qu’il s’était tant hâté de revoir.

« Eh bien, eh bien, dit Janille, vous nous avez fait quasi peur ; mais soyez le bienvenu, monsieur Émile, comme dit notre maître ; M. Antoine ne tardera pas beaucoup à rentrer. En attendant, vous allez vous rafraîchir ; j’irai tirer du vin à la cave. »

Émile s’y opposa, et, la retenant par sa manche :

« Si vous allez à la cave, j’irai avec vous, dit-il, non pour boire votre vin ; mais pour voir ce caveau que vous m’avez dit si curieux, si profond et si sombre.

— Vous n’irez pas maintenant, répondit Janille ; il y fait trop froid et vous avez trop chaud. Oui, vous avez chaud ! vous êtes rouge comme une fraise. Vous allez vous reposer un brin, et puis, en attendant M. Antoine, nous vous ferons voir les caveaux, les souterrains, et tout le château, que vous n’avez pas encore bien examiné, quoiqu’il en vaille la peine. Ah mais ! il y a des gens qui viennent de bien loin pour le voir ; ça nous ennuie bien un peu, et ma fille s’en va lire dans sa chambre tandis qu’ils sont là ; mais M. Antoine dit qu’on ne peut pas refuser l’entrée, surtout à des voyageurs qui ont fait beaucoup de chemin, et que, quand on est propriétaire d’un endroit curieux et intéressant, on n’a pas le droit d’empêcher les autres d’en jouir. »

Janille prêtait un peu à son maître le raisonnement qu’elle lui avait mis dans l’esprit et dans la bouche. Le fait est qu’elle retirait de l’exhibition de ses ruines un certain pécule qu’elle employait, comme tout ce qui lui appartenait, à augmenter secrètement le bien-être de la famille.

Émile, pressé d’accepter un rafraîchissement quelconque, consentit à prendre un verre d’eau, et, comme Janille voulut courir elle-même remplir sa cruche à la fontaine, il resta seul avec mademoiselle de Châteaubrun.