Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/289

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tant que le jour où j’ai perdu mon chapeau. Dites donc, monsieur Galuchet, ajouta-t-il en élevant la voix, vous m’aviez promis de venir pêcher de notre côté, je ne tourmente pas beaucoup mon poisson ; je n’ai pas votre patience, c’est pour cela que vous en trouverez. Ainsi je compte sur vous un de ces jours ; vous viendrez déjeuner à la maison, et ensuite je vous conduirai aux bons endroits : le barbillon abonde par là, et c’est un joli coup de ligne.

— Monsieur, vous êtes trop honnête, répondit Galuchet ; j’irai certainement un dimanche, puisque vous voulez bien me combler de vos civilités. »

Et, enchanté d’avoir trouvé cette phrase, Galuchet salua le plus gracieusement qu’il put, et s’éloigna, après s’être chargé du message d’Émile pour ses parents.

Gilberte eut quelque envie de quereller un peu son père pour cet excès de bienveillance envers un personnage si lourd et si déplaisant ; mais elle était trop bienveillante elle-même pour ne pas lui sacrifier bien vite ses répugnances, et, au bout d’un instant, elle y songea d’autant moins, que ce jour-là, il lui était impossible de ressentir une contrariété.

Grâce à la disposition de leurs âmes, nos amoureux trouvèrent agréables et plaisants tous les incidents qui remplirent le reste du voyage. La vieille jument de M. Antoine, attelée à une sorte de boguet découvert qu’il avait bien raison d’appeler sa brouette, fit des merveilles d’adresse et de bon vouloir, dans les chemins effrayants qu’ils eurent à suivre pour gagner leur gîte.

Ce véhicule avait place pour trois personnes, et Sylvain Charasson, installé au milieu, conduisait crânement (c’était son expression) la pacifique Lanterne.

Les cahots épouvantables qu’on recevait dans une voiture si mal suspendue n’inquiétaient nullement Gilberte