Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/298

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— Vous êtes fatigué, Galuchet ?

— Oui, monsieur, très-fatigué, très-mécontent ! on ne m’y reprendra plus, dans leur forteresse des rois maures. »

Et, satisfait de la plaisanterie qu’il avait faite le matin, Galuchet répéta complaisamment et avec un sourire narquois :

« Ces rois-là devaient faire de drôles de pistolets ! sans doute qu’ils portaient des sabots et mangeaient avec leurs doigts.

— Vous avez beaucoup d’esprit ce soir, Galuchet, répondit M. Cardonnet, sans daigner sourire ; mais si vous en aviez davantage, épris comme vous voilà, vous trouveriez quelque prétexte pour aller rendre, de temps en temps, visite au vieux Châteaubrun.

— Je n’ai pas besoin de prétextes, Monsieur, répondit Galuchet d’un ton important. Je le connais beaucoup ; il m’a souvent invité à aller pêcher, dans sa rivière, et encore aujourd’hui, il m’a sollicité de déjeuner avec lui un dimanche.

— Eh bien ! pourquoi n’iriez-vous pas ? Je vous permettrais bien une petite récréation de temps en temps.

— Monsieur, vous êtes trop honnête : si je ne vous suis pas nécessaire, j’irai dimanche prochain, car j’aime beaucoup la pêche.

— Galuchet, mon ami, vous êtes un imbécile.

— Comment, monsieur ? dit Galuchet déconcerté.

— Je vous dis, mon cher, reprit tranquillement Cardonnet, que vous êtes un imbécile. Vous ne pensez qu’à prendre des goujons quand vous pourriez faire la cour à une jolie fille.

— Oh ! pour cela, monsieur, je ne dis pas ! dit Galuchet et en se grattant l’oreille d’un air agréable : j’aimerais assez la fille, vrai ! c’est un bijou ! des yeux bleus comme