Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/33

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de ne pas faire attention à ce que dit ce brave villageois. Il a des idées exagérées sur beaucoup de choses, qu’il ne comprend pas bien. Au fond, soyez certain qu’il n’est ni haineux, ni jaloux, ni capable de porter le moindre préjudice à M. Cardonnet.

— J’attache peu d’importance à ses paroles, répondit le jeune étranger. Je m’étonne seulement, monsieur le comte, qu’un homme que vous honorez de votre estime ternisse à plaisir la réputation d’un autre homme, sans avoir le moindre fait à alléguer contre lui et sans rien connaître de ses antécédents. J’ai déjà demandé à votre commensal des renseignements sur ce M. Cardonnet qu’il paraît haïr personnellement, et il a refusé de s’expliquer. Je vous en fais juge : peut-on établir une opinion loyale sur des imputations gratuites, et, si vous ou moi en prenions une défavorable à M. Cardonnet, votre hôte n’aurait-il pas commis une mauvaise action ?

— Vous parlez selon mon cœur et selon ma pensée, jeune homme, répondit M. Antoine. Toi, ajouta-t-il en se tournant vers son commensal rustique, et frappant sur la table d’une manière courroucée, tandis qu’il lui adressait un regard où l’affection et la bonté triomphaient du mécontentement, tu as tort, et tu vas tout de suite nous dire ce que tu reproches audit Cardonnet, afin qu’on puisse juger si tes griefs ont quelque valeur. Autrement, nous te tiendrons pour un esprit chagrin et une mauvaise langue.

— Je n’ai rien à dire que ce que tout le monde sait, répliqua le paysan d’un air calme, et sans paraître intimidé de la mercuriale. On voit les choses, et chacun les juge comme il l’entend ; mais puisque ce jeune homme ne connaît pas M. Cardonnet, ajouta-t-il en jetant un regard pénétrant sur le voyageur, et puisqu’il désire tant savoir quel particulier ce peut être, dites-le-lui vous-même, mon-