Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/46

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âme plus ferme que la sienne, il laissait échapper, de temps en temps, un profond soupir.

Quand le paysan se tut :

« Que Dieu te pardonne, en effet, si tu juges mal, ami, dit-il en élevant son verre comme une offrande à la Divinité ; et si tu devines juste, que la Providence veuille détourner un tel fléau de la tête des pauvres et des faibles !

— Monsieur de Châteaubrun, écoutez-moi, et vous aussi, mon ami, s’écria le jeune homme, en prenant de chaque main, les mains de ses hôtes : Dieu, qui entend toutes les paroles des hommes et qui lit leurs sentiments au fond de leurs cœurs, sait que ces maux ne sont pas à craindre, et que vos appréhensions ne sont que des chimères. Je connais l’homme dont vous parlez, je le connais beaucoup ; et quoique sa figure soit froide, son caractère obstiné, son intelligence active et puissante, je vous réponds de la loyauté de ses intentions et du noble emploi qu’il saura faire de sa fortune. Il y a quelque chose d’effrayant, j’en conviens, dans la fermeté de sa volonté, et je ne m’étonne pas que son air inflexible vous ait donné une sorte de vertige, comme si un être surnaturel était apparu au milieu de vos campagnes paisibles ; mais cette force d’âme est basée sur des principes religieux et moraux qui font de lui, sinon le plus doux et le plus affable des hommes, du moins le plus strictement juste et le plus royalement généreux.

— Eh bien, tant mieux, nom d’une bombe ! répondit le châtelain en choquant son verre contre celui du paysan. Je bois à sa santé et je suis heureux d’avoir à estimer un homme, quand j’étais sur le point de le maudire. Allons, toi, ne fais pas l’entêté, et crois ce brave jeune homme qui parle comme un livre et qui en sait plus long que toi et moi. Puisqu’il te dit qu’il connaît Cardonnet ! qu’il le