Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/69

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Et il lui tendit une pièce d’or.

« Gardez ça, gardez ça, dit Jean avec humeur, en repoussant la gratification par un mouvement du coude. Je ne suis pas intéressé, vous devez le savoir, et ce n’est pas pour vous faire plaisir que je viens de travailler avec vos charpentiers. C’était tout bonnement pour les empêcher de s’échiner en pure perte. Et puis, on connaît le métier, et ça impatiente de voir les gens s’y prendre tout de travers. J’ai le sang un peu vif, et, malgré moi, je me suis mêlé de ce qui ne me regardait pas.

— De même que vous vous êtes trouvé où vous ne deviez pas être, répondit M. Cardonnet d’un ton sévère, et avec l’intention évidente d’intimider le hardi paysan. Jean, voici une dernière occasion de nous entendre et de nous connaître ; profitez-en, ou vous vous en repentirez. Quand je suis arrivé ici, l’année dernière, j’ai remarqué votre activité, votre intelligence, l’affection que vous portaient tous les ouvriers et tous les habitants de ce village. J’ai eu sur votre probité les meilleurs renseignements, et j’ai résolu de vous mettre à la tête de mes travaux de charpente ; j’ai offert de doubler pour vous seul le salaire, soit à la journée, soit à la tâche. Vous m’avez répondu par des billevesées, et comme si vous ne me preniez pas pour un homme sérieux.

— Ce n’est pas ça, monsieur, faites excuse ; je vous ai dit que je n’avais pas besoin de vos travaux, et que j’en avais dans le bourg plus que je n’en pouvais faire.

— Défaite et mensonge ! Vous étiez très mal dans vos affaires, et vous y voilà pire que jamais. Poursuivi pour dettes, vous avez été forcé de quitter votre maison, d’abandonner votre atelier, et de vous cacher dans les montagnes comme un gibier traqué par les chasseurs.

— Quand on se mêle de raisonner, reprit Jean avec hauteur, il faut dire la vérité. Je ne suis pas poursuivi