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DE M. ANTOINE.

porte de savoir à quoi m’en tenir sur son compte, je supplie monsieur le marquis de me dire tout le mal qu’il sait d’elle, afin, du moins, qu’elle puisse se disculper auprès des personnes honnêtes qui la connaissent.

— J’aurais désiré, dit le marquis avec un profond soupir, que le nom de Châteaubrun ne fût pas prononcé devant moi…

— C’est donc un nom entaché d’infamie ? reprit Gilberte avec un mouvement d’irrésistible fierté.

— Non… non… je n’ai jamais dit cela, répondit le marquis, dont la colère tombait aussi vite qu’elle s’allumait. Je n’accuse personne, je ne reproche rien à qui que ce soit. Je suis brouillé avec la personne dont on parle ; je ne veux point qu’on m’en parle, mais je n’en parle pas non plus… et alors pourquoi donc m’adresser d’inutiles questions ?

— Inutiles questions ! répéta Gilberte ; vous ne pouvez pas les juger ainsi, monsieur le marquis. Il est fort étrange qu’un homme tel que vous soit brouillé avec une jeune personne qu’il ne connaît pas, qu’il n’a peut-être jamais vue… Il faut donc qu’elle ait commis quelque indigne action ou dit quelque odieuse parole contre lui, et c’est ce que je veux savoir, c’est ce que je vous supplie de me dire ; afin que, si Gilberte de Châteaubrun ne mérite ni estime ni confiance, je me préserve du contact d’une fille aussi dangereuse.

— C’est ça qui s’appelle parler ! s’écria Jean en frappant dans ses mains. Allons ! je serai bien aise aussi de savoir qu’en penser ; car enfin cette Gilberte m’a fait du bien, à moi ; elle m’a donné à boire et à manger quand j’avais faim et soif ; elle a filé sa laine pour me couvrir quand j’avais froid. Je l’ai toujours vue charitable, douce, dévouée à ses parents, et honnête fille s’il en fut ! À présent, si elle a commis quelque péché honteux, j’aurai