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DE M. ANTOINE.

Mais pas encore, Émile ; je vous trouve trop pâle, et moi, je ne suis pas assez sûr de moi encore. Ne venez pas me voir aujourd’hui ; j’ai d’autres courses à faire, et peut-être qu’en repassant par ici ce soir je vous reverrai. Me promettez-vous jusque-là de dîner, de vous soigner, et de guérir, en un mot ?

— Je vous le promets, mon ami. Que ne puis-je faire savoir à celle que j’aime, qu’en reprenant le libre exercice de ma vie et de mes facultés, j’ai retrouvé mon amour plus ardent et plus absolu que jamais au fond de mon cœur !

— Eh bien, Émile, écrivez-lui quelques lignes sans vous fatiguer, je reviendrai ce soir ; et, si elle ne demeure pas trop loin, je me chargerai de lui faire tenir votre lettre.

— Hélas ! mon ami, je ne puis vous dire son nom ! Mais si le charpentier voulait s’en charger… à présent qu’on ne m’observe plus à toute heure et que j’ai recouvré mes forces, je pourrais écrire.

— Écrivez donc, cachetez, et ne mettez pas d’adresse. Le charpentier travaille chez moi, et il aura votre lettre avant ce soir. »

Tandis que le jeune homme écrivait, M. de Boisguilbault sortit de sa chambre, et demanda à parler à M. Cardonnet. On lui répondit qu’il venait de sortir en cabriolet.

« Ne sait-on où je pourrais le rejoindre ? » demanda le marquis, à demi persuadé de cet alibi.

Il n’avait pas dit où il allait, mais on pensait que c’était à Châteaubrun, parce qu’il avait pris ce chemin-là, et qu’il y avait été déjà la semaine précédente.

À cette réponse, M. de Boisguilbault montra une vivacité surprenante ; il rentra chez Émile, prit sa lettre, lui tâta le pouls, trouva qu’il était redevenu un peu agité,