Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
DE M. ANTOINE.

la lecture du testament d’un air impassible, et, ne voulant pas paraître s’humilier sous la puissance de l’or, il dit froidement :

« Je vois que M. de Boisguilbault tient fortement à faire fléchir la volonté paternelle devant celle de l’amitié : mais ce n’est pas la pauvreté de mademoiselle de Châteaubrun qui m’a jamais paru un obstacle capital à ce mariage. Il y en a un autre qui m’inspire beaucoup plus de répugnance : c’est qu’elle est fille naturelle, et que tout porte à croire que sa mère… je ne la nommerai pas… occupe une position infime dans la société.

— Vous êtes dans l’erreur, monsieur Cardonnet, répondit M. de Boisguilbault avec fermeté. Mademoiselle Janille a toujours été irréprochable dans ses mœurs, et je crois que vous auriez tort de mépriser une personne aussi fidèle et aussi dévouée aux objets de son affection. Mais la vérité exige que je redresse votre jugement à cet égard. Je vous atteste, monsieur, que mademoiselle de Châteaubrun est de sang noble et sans mélange, si cela peut vous faire plaisir. Je vous dirai même que j’ai connu parfaitement sa mère, et qu’elle était d’aussi bonne maison que moi-même. Maintenant, monsieur Cardonnet, avez-vous quelque autre objection à faire ? Pensez-vous que le caractère de mademoiselle de Châteaubrun puisse inspirer de l’éloignement et de la méfiance à quelqu’un ?

— Non, certes, monsieur le marquis, répondit Cardonnet, et pourtant j’hésite encore. Il me semble que l’autorité et la dignité paternelles sont blessées par un pareil contrat, que mon consentement semble être acheté à prix d’or, et, tandis que je n’avais qu’une ambition pour mon fils, celle de lui voir acquérir de la fortune par son travail et son talent, je vois qu’on l’élève au faîte de la richesse, en lui donnant pour avenir l’inaction et l’oisiveté.

— J’espère qu’il n’en sera point ainsi, dit M. de Bois-