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DE M. ANTOINE.

Le domestique du marquis entra et déposa la petite caisse qu’il avait apportée. M. de Boisguilbault en tira un magnifique bouquet des fleurs les plus rares et les plus suaves ; le vieux Martin avait mis plus d’une heure à le combiner savamment. Mais, en guise de ruban, le bouquet était entouré de la rivière de diamants que Gilberte avait renvoyée, et cette fois, au lieu du cachemire que le marquis n’avait pas jugé prudent de faire reparaître, il avait mis au collier deux rangs au lieu d’un.

« Donc, deux ou trois cent mille francs de plus au contrat ! » pensa M. Cardonnet, en feignant de regarder les diamants avec indifférence.

« À présent, dit M. de Boisguilbault à Gilberte, vous ne pouvez plus rien me refuser, puisque j’ai fait votre volonté. Je vous propose de monter en voiture avec votre père, dans cette même brouette qui m’a été si utile, et qui m’a procuré le bonheur de vous connaître. Nous irons à Gargilesse ; je pense que M. Cardonnet désire présenter sa belle-fille à sa femme, et moi, j’ai à cœur de lui faire agréer mon héritière. »

M. Cardonnet accepta cette offre avec empressement, et on allait partir lorsque Émile parut. Il avait appris que son père était parti pour Châteaubrun : il craignait quelque nouvelle trame contre son bonheur et le repos de Gilberte. Il avait sauté sur son cheval, et, oubliant sa saignée, sa fièvre, et ses promesses au marquis, il arrivait tremblant, hors d’haleine, et en proie aux plus amères prévisions.

« Allons, Émile, voilà ta femme déjà parée pour la noce, » dit M. Cardonnet, qui devina vite le motif de son imprudence. Et il lui montra Gilberte, couverte de fleurs et de diamants, au bras de M. de Boisguilbault.

Émile, dont les nerfs étaient horriblement tendus et agités, fut comme foudroyé par tous les miracles qui fon-